Les usages de cette liquidité bienvenue peuvent être multiples et dans tous les cas très favorables aux institutions financières et à la périphérie de la zone euro, mais ils sont difficilement quantifiables puisque les banques ne sont pas très enclines à communiquer à ce sujet.
L'usage le plus évident est d'emprunter à 1% et de souscrire à des obligations espagnoles ou italiennes par exemple qui rémunèrent bien plus. Cette opération était particulièrement attractive en décembre avec, par exemple des taux italiens à 3 ans à près de 6%. En supposant que les banques n'aient pour seul coût le 1% à verser à la BCE (ce qui 'nest pas le cas bien évidemment), le profit pourrait être de 5% par an. L'effet d'annonce des deux LTRO (annoncés début décembre) est assez clair, cela a contribué à la détente des taux en particulier italiens et espagnols à tel point que le taux à 3 ans italien est aujourd'hui revenu sous 3.20%, un plus bas depuis avril 2011. Pour les obligations à 10 ans (toujours italiennes), les taux sont tombés sous les 5.40%, au plus bas depuis septembre, mais je préfère comparer des échéances identiques.
Taux italiens (10Y) |
Le deuxième usage possible (et souhaité) est d'utiliser les fonds pour prêter à l'économie réelle. Et à ce sujet, le LTRO semble être un échec, les prêts accordés aux ménages et aux entreprises en zone euro étant en pleine stagnation. Mais je veux bien reconnaître qu'il faut des projets solides pour accorder des prêts, le simple fait d'avoir des liquidités n'est pas synonyme de prêt à n'importe qui, si les banques le faisaient on leur reprocherait d'être responsables d'une nouvelle bulle, il s'agit donc d'être cohérent. Essayez donc de prêter à un Espagnol de 25 ans au chômage, avec une Seat Ibiza flambant neuve et deux écrans LCD pour qu'il s'achète une résidence secondaire en Catalogne, bon courage. Mais vous pouvez être certain que des candidats utiliseront le fait que les fonds prêtés par la BCE ne vont pas directement voire pas du tout à l'économie réelle pour, une nouvelle fois, jouer la carte du populisme et attiser la haine envers les banques et leurs employés dans les prochaines semaines, c'est si facile.
L'autre usage principal consiste à utiliser les fonds empruntés auprès de la BCE pour faire face aux nombreuses échéances de l'année, les banques ayant d'importantes sommes à rembourser à leurs créanciers, en particulier les italiennes UniCredit & Intesa (déjà preneuses de 12 milliards chacune avec le premier LTRO), mais aussi RBS ou encore BNP Paribas. Cela a pour conséquence de donner un peu d'oxygène aux banques en mal de cash (périphérie) et/ou de les renforcer (core). Sauf, oui sauf si les banques qui ont recours au mécanisme sont stigmatisées, ce qu'a résumé Josef Ackermann le PDG de Deutsche Bank: "The fact that we have never taken any money from the government has made us, from a reputation point of view, so attractive with so many clients in the world that we would be very reluctant to give that up”. Mais rien ne l'oblige à dire ce qu'il fait réellement, ni à faire ce qu'il dit... Pour les institutions qui participent au LTRO car elles en ont besoin, il est probable que cela suscite de la méfiance des investisseurs (et plouf la bourse). Pour celles qui n'en ont pas besoin mais qui souhaitent profiter de l'aubaine (c'est par exemple le cas de HSBC), tout est bon, le tout est de pouvoir convaincre que la situation de la banque est bonne. Toujours est-il que la stigmatisation des établissements qui pourraient participer au LTRO2 peut être suffisante pour les inciter à ne pas y participer. Mais pas de conclusion hâtives, attendons plutôt le chiffre officiel de la BCE.
En vérité, ce qui me semble le plus susceptible de soutenir davantage les marchés, l'euro et la périphérie, ce serait l'annonce du LTRO3. Le plus grand risque de ce mécanisme est en effet d'habituer les banques à obtenir du cash facilement, une forme d'addiction donc. Et le marché d'attendre le LTRO3 comme il attendrait le QE3, tel un junky à la recherche de sa dose dans les sombres ruelles de Detroit.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire