Suite à un article paru sur Margin Call posant la question : "Faut-il être économiste pour être bon homme d’État ?" nous avons demandé son avis à Monsieur Alain Lambert, ancien ministre du Budget. Voici sa réponse.
"Faut-il être économiste pour être bon homme d’État ?"
C’est là une question à 500 Milliards d’€*, passionnante, ô combien pertinente mais tout aussi délicate.
Au premier abord, je l’avoue volontiers, il n’est guère aisé d’y apporter une réponse car l’exigence est double. En effet, il peut s’agir de définir les qualités nécessaires à un homme d’État, lequel doit avoir alors un jugement sûr en matière économique. Il peut s’agir, également, de mettre en place une vraie gouvernance sérieuse, apte à transformer un pays, et alors il est nécessaire de trouver des complémentarités. Ainsi, par exemple, il n’est pas indispensable que le Président possède des bases économiques très solides mais il est essentiel, en revanche, que le Premier Ministre maîtrise le sujet.
Mais au fond, qu’est ce qu’un homme d’Etat, sinon une personne placée au service d’un peuple pour le gouverner ? Sa culture générale doit lui permettre d’embrasser toute la complexité des citoyens pris individuellement mais aussi de la société qu’ils forment laquelle n’est pas la somme des individualités tant les rivalités internes la perturbe.
Cet homme ou cette femme doit pouvoir connaitre la situation exacte du peuple, son état d’esprit, ses doutes, ses craintes. Il doit être, de même, capable de jeter son regard plus loin, d’élargir ses perspectives afin de savoir précisément où il souhaite le conduire. Les connaissances de l’homme d’État doivent ainsi être générales, c’est un pré-requis car les problèmes qui sont les siens trouvent leur origine et leur solution dans la sociologie, l’histoire, la géographie, l’économie, la finance, le droit, le social….
S’il ne dispose pas, par son histoire, d’un socle culturel idéal, il lui faudra simplement s’entourer de gens compétents, non complaisants et pétris du souci permanent et exclusif de l’intérêt général.
En revanche, il doit être très riche humainement, c'est-à-dire disposer des ressources morales indestructibles qui lui permettent de résister aux chocs (et croyez-moi, ils sont nombreux et violents en politique), et de transformer la peur en espoir.
En somme, s’il n’a pas fondamentalement besoin d’être un bon économiste, la responsabilité et le bon sens vont en revanche guider son action.
Voici quelques règles, légitimes et sûres, qui pourraient devenir ses commandements.
Economie
L’homme d’État moderne sait que l’économie s’épanouit dans la liberté. Il lui revient donc d’organiser un cadre approprié pour favoriser son dynamisme. Ce, en ne fixant que de rares règles mais très claires et incontournables afin de maintenir les fondamentaux de respect de la concurrence et de la cohésion sociale tout en veillant à ce qu’un équilibre soit préservé entre tous les agents économiques.
Du social,
Il doit veiller à ce que son périmètre ne dépasse pas la capacité contributive bien comprise du pays. L’expérience montre, en effet, qu’une protection offrant à ceux qui ne travaillent pas et à ceux qui ont le salaire le plus bas, des conditions de vie équivalentes n’est pas tenable.
Des finances publiques.
Il s’interdit d’utiliser la dette pour financer des dépenses courantes. Il est conscient qu’il s’agit là d’une forfaiture consistant à laisser croire au peuple que l’État a les moyens d’un standard social artificiellement financé. En agissant ainsi, il court le risque tragique de rompre le contrat social intergénérationnel.
De la parole en politique,
Enfin, le poison odieux susceptible de lui faire perdre sa dignité d’homme d’Etat est bien la démagogie, cancer des démocraties. De fait, un taux de démagogie élevé fait non seulement perdre à ce système de gouvernance toute sa crédibilité mais il produit également des résultats inférieurs aux despotismes éclairés.
Conclusion
Au fond, l’homme d’État doit avoir une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. Une éthique forte, une autorité naturelle, un solide bon sens, et une très bonne équipe vaudront toujours mieux qu’une agrégation en économie.
Alain Lambert
http://www.alain-lambert.org
"Faut-il être économiste pour être bon homme d’État ?"
C’est là une question à 500 Milliards d’€*, passionnante, ô combien pertinente mais tout aussi délicate.
Au premier abord, je l’avoue volontiers, il n’est guère aisé d’y apporter une réponse car l’exigence est double. En effet, il peut s’agir de définir les qualités nécessaires à un homme d’État, lequel doit avoir alors un jugement sûr en matière économique. Il peut s’agir, également, de mettre en place une vraie gouvernance sérieuse, apte à transformer un pays, et alors il est nécessaire de trouver des complémentarités. Ainsi, par exemple, il n’est pas indispensable que le Président possède des bases économiques très solides mais il est essentiel, en revanche, que le Premier Ministre maîtrise le sujet.
Mais au fond, qu’est ce qu’un homme d’Etat, sinon une personne placée au service d’un peuple pour le gouverner ? Sa culture générale doit lui permettre d’embrasser toute la complexité des citoyens pris individuellement mais aussi de la société qu’ils forment laquelle n’est pas la somme des individualités tant les rivalités internes la perturbe.
Cet homme ou cette femme doit pouvoir connaitre la situation exacte du peuple, son état d’esprit, ses doutes, ses craintes. Il doit être, de même, capable de jeter son regard plus loin, d’élargir ses perspectives afin de savoir précisément où il souhaite le conduire. Les connaissances de l’homme d’État doivent ainsi être générales, c’est un pré-requis car les problèmes qui sont les siens trouvent leur origine et leur solution dans la sociologie, l’histoire, la géographie, l’économie, la finance, le droit, le social….
S’il ne dispose pas, par son histoire, d’un socle culturel idéal, il lui faudra simplement s’entourer de gens compétents, non complaisants et pétris du souci permanent et exclusif de l’intérêt général.
En revanche, il doit être très riche humainement, c'est-à-dire disposer des ressources morales indestructibles qui lui permettent de résister aux chocs (et croyez-moi, ils sont nombreux et violents en politique), et de transformer la peur en espoir.
En somme, s’il n’a pas fondamentalement besoin d’être un bon économiste, la responsabilité et le bon sens vont en revanche guider son action.
Voici quelques règles, légitimes et sûres, qui pourraient devenir ses commandements.
Economie
L’homme d’État moderne sait que l’économie s’épanouit dans la liberté. Il lui revient donc d’organiser un cadre approprié pour favoriser son dynamisme. Ce, en ne fixant que de rares règles mais très claires et incontournables afin de maintenir les fondamentaux de respect de la concurrence et de la cohésion sociale tout en veillant à ce qu’un équilibre soit préservé entre tous les agents économiques.
Du social,
Il doit veiller à ce que son périmètre ne dépasse pas la capacité contributive bien comprise du pays. L’expérience montre, en effet, qu’une protection offrant à ceux qui ne travaillent pas et à ceux qui ont le salaire le plus bas, des conditions de vie équivalentes n’est pas tenable.
Des finances publiques.
Il s’interdit d’utiliser la dette pour financer des dépenses courantes. Il est conscient qu’il s’agit là d’une forfaiture consistant à laisser croire au peuple que l’État a les moyens d’un standard social artificiellement financé. En agissant ainsi, il court le risque tragique de rompre le contrat social intergénérationnel.
De la parole en politique,
Enfin, le poison odieux susceptible de lui faire perdre sa dignité d’homme d’Etat est bien la démagogie, cancer des démocraties. De fait, un taux de démagogie élevé fait non seulement perdre à ce système de gouvernance toute sa crédibilité mais il produit également des résultats inférieurs aux despotismes éclairés.
Conclusion
Au fond, l’homme d’État doit avoir une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. Une éthique forte, une autorité naturelle, un solide bon sens, et une très bonne équipe vaudront toujours mieux qu’une agrégation en économie.
Alain Lambert
http://www.alain-lambert.org
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