J’aimerai avant toute chose rappeler quelques faits qui me tiennent à cœur. Un politicien est élu, en théorie, dans un pays démocratique, pour les idées qu’il défend. Son travail n’est pas de convaincre, mais de proposer ses idées. Qu’en est-il aujourd’hui ? En France, le politicien se bat plus pour l’image qu’il véhicule et non véritablement pour les idées qu’il veut avancer. Les électeurs ne choisissent pas toujours parmi les candidats, le meilleur gestionnaire/ politicien mais celui qui renvoie le plus l’image d’être le meilleur.
De plus, avec les élections qui arrivent, nous assistons à une véritable bataille sur la perception médiatique plutôt que sur les faits réels.
En d’autres termes à qui dira la plus grosse connerie susceptible de rallier à sa cause l’opinion publique. Je vous invite à lire, pour appuyer cette idée, le billet de Captain éco, sur l’idée « brillante » mais inutile de Hollande. Ou encore de vous renseigner sur la nouvelle politique industrielle de Sarkozy, fonder une économie sans usine…
Nous avons raillé les Américains qui votaient pour Ronald Reagan et Arnold Schwarzenegger. Nous nous sommes moqués des Italiens qui s’en remettaient à Silvio Berlusconi pour diriger leur pays. Il est temps d’admettre que nous ne sommes pas à l’abri d’une telle dérive. Et ce serait une vision plutôt optimiste au final, étant donné les débats auxquels nous assistons.
Revenons au sujet de ce billet, l’économie et la politique, deux pôles qui n’étaient pas amenés à se rencontrer, et pourtant, un véritable engouement pour l’homme politique « hybride » est né de cette conjoncture de crise. Une fusion de compétences qui rassure et laisse penser à une solution de sortie de crise.
Que nous dit l’histoire ?
Ce rappel historique que je fais souvent dans mes articles aura deux vocations, la première, rappeler que Monti et Papademos ne sont pas les seuls à la tête d’un gouvernement ayant suivis un cursus en sciences économiques, la seconde établir un lien entre les différents exemples.
- Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) est appelé au pouvoir par Louis XVI, dans une France tourmentée à la suite du règne calamiteux de louis XV. Son ambition est d’assurer le financement de l’État en remplaçant privilèges et impôts par la liberté économique, source de création de richesse au profit de tous. L’impopularité de ses mesures, tant dans le peuple qu’auprès classes privilégiées, fragilise sa position. Il démissionne en 1776 et consacre la fin de sa vie à des travaux d’économie, de littérature et de physique.
- Les Chicago Boys (1973), surnom donné à un groupe d’économistes diplômés de l’université de Chicago. Appelés au gouvernement par Pinochet pour redresser les finances du pays. Leur programme a largement participé à l’accentuation des inégalités au Chili, notamment entraîné un taux de chômage important (5% en 1978 contre 8% en 1990). La surévaluation artificielle du pesos Chilien participe largement à l’augmentation de la dette (multiplication par 3).
Ce sont deux exemples piochés dans l’histoire, je vous l’accorde d’autres sont peut-être plus parlant, mais ceux-ci me plaisaient beaucoup. On peut très bien voir que dans ces cas, et plus généralement, que lorsqu’un économiste est appelé à la tête d’un pays, c'est qu'il y a crise (au sens large, crise économique, dictature...), et les résultats de ces nominations ne sont pas toujours ceux escomptés.
Un économiste n'est pas là pour arrondir les angles. Il a une solution, il la met en œuvre, à la différence de la politique dont l'essence de sa fonction est de résoudre les conflits.
Une étude de Merrill Lynch montre ainsi que dans l'Italie des années 1990, «les gouvernements technocratiques étaient aussi instables (au sens de courts dans le temps) que les gouvernements politiques».
Au final, les résultats d’une telle politique sont mitigés et loin d’être bénéfiques dans tous les cas.
Alors quel est le but ?
Un économiste qui prend les rennes d’un État en période de crise rassure. Il apaise les marchés et les investisseurs. Tout le monde le sait ses décisions seront prises dans l’intérêt du pays sur le plan économique et financier. C’est parfois une manière de faire voter quelques réformes qui seront mieux perçues par les instances sociales puisque mises en place par un expert. On fera plus confiance à un médecin (cf Milgram). Mais ce n’est pas toujours le cas, l’économiste doit alors se transformer en politicien et faire face à des mouvements sociaux virulents (Grèce).
Le cas Draghi, Monti et Papademos
Tout le monde le dit, Draghi, Monti et Papademos ont été nommés pour rassurer les marchés européens. Ils sont d’anciens financiers et connaissent très bien le problème qui frappe l’Europe.
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- « A la tête de la Banque centrale européenne (BCE), cent jours ont suffi à Mario Draghi pour maîtriser l'art de la ruse afin, tout à la fois, de soutenir une zone euro à la dérive, aider une Grèce aux abois et soulager les banques, sans braver les interdits. » déclare Le Monde.
- « l'économiste Mario Monti semble en passe de prendre la tête d'un gouvernement élargi en Italie pour, tirant un trait sur l'ère Berlusconi, rassurer les marchés et les partenaires européens de la troisième puissance économique de la zone euro » déclare L’express à propos de Mario Monti.
- On peut lire sur Challenge à propos de Papademos « La présidence grecque espère ainsi rassurer les marchés, alors que le pays, qui nage en plein marasme économique, s'enferrait depuis plusieurs jours dans l'impasse politique »
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Les mauvaises langues diront que cette parfaite connaissance de la situation leur vient de Goldman Sachs, je dirai plutôt que tous les trois sont liés par leurs travaux effectués au sein des institutions européennes dans le passé. Véritables "eurocrates", ils illustrent parfaitement la notion de gouvernement et politiques "hybrides".
La conjoncture actuelle pousse les politiques à déléguer le pouvoir à un économiste plus pertinent face à cette situation. Ne nous abandonnons à penser que la Chine avec son gouvernement « dictature » est une bonne solution pour faire face à une telle crise. Sur le long terme, les problèmes feront très vite surface, frein à la créativité et manque crucial de libertés. Le monde d’aujourd’hui repose sur ces deux fondamentaux et la démocratie est encore le système qui le garantit le plus.
La collaboration aussi étroite qu’elle puisse être reste une des meilleures solutions pour faire face à cette tempête qui dévaste l’Eurozone. Si ces gouvernements « hybrides » font leurs preuves, il apparaît clairement que des personnages comme Christine Lagarde, forte de son expérience au FMI (5 ans) et au gouvernement français en tant que ministre de l’économie, soient présidentiables.
Je vous invite par ailleurs à jeter un coup d'oeil sur l'excellent article à ce sujet, (ce n'est en aucun cas une forme d'adoration) de Captain éco sur son site: Ici